Je suis assise sur la banquette en velours rouge. Si ça se trouve on doit me chercher. Personne ne viendra m'embêter, je n'ai d'ailleurs pas la capacité de tenir une conversation.
L'ivresse m'a amenée jusque ici, dans ces lieux que je déteste à jeun. Je n'avais pas prévu de venir quand j'ai fermé à clé la porte de mon appartement, huit heures plus tôt.
Je me suis assise pour semer l'ennui et l'amertume qui grandissent en moi. Et je regarde autour de moi, l'observation est une excellente occupation d'autant plus dans un monde que je n'ai pas l'habitude de fréquenter. Je ne suis pas comme ces deux femmes qui dansent en talons sur un podium en parfaite synchronisation. Je les admire presque. Même désinhibée, je suis incapable de danser en rythme sur une estrade et être la cible des regards. Même désinhibée, je suis incapable de te dire ce que je ressens pour toi. J'avais mis pourtant mes escarpins à paillettes.
J'ai perdu de vue les autres depuis je ne sais combien de minutes. J'en ai vu se rapprocher, happés par les vapeurs de l'alcool qui facilitent la séduction, la complicité et la réciprocité des regards. J'ai d'ailleurs tenté de capter ton regard. En vain. J'ai tenté de te faire la conversation. Un échec. Pas grave, ce n'est pas ici qu'on mène de grandes discussions philosophiques et sérieuses.
Quelqu'un m'interpelle. Elle est blonde. Elle me demande ce que je fais toute seule. Qu'il est dommage que je reste toute seule. (Ma pauvre si tu savais...).
Tu t'es perdue? J'ai l'impression d'avoir à nouveau 5 ans et de m'être effectivement perdue dans la grande boîte où les gens dansent, picolent et font des trucs de grandes personnes.
Non tout va bien que je réponds en affichant un faux sourire. Elle me propose de goûter ce qu'il y a dans son verre.
Septembre 1990 : Marion scelle notre amitié en partageant son goûter soigneusement emballé dans du papier alu tandis que nous sommes en récréation.
Je ne sais pas trop comment me débarrasser d'elle et je regarde ailleurs. Elle finit par s'en aller. En temps normal, elle ne m'aurait même pas regardé. En temps normal, je ne lui aurais jamais dit que j'aimais sa coiffure.
Me faire un side cut me trotte dans la tête depuis quelques mois, j'avoue. Tout comme avoir des cheveux pastels aussi. Et me tatouer. Oui, tout ça.
Quelque part, Dionysos et ses satyres sonnent la fin de la soirée. Et je me rends compte brutalement que les paillettes ont cessé de briller, la boule à facette s'est stoppée. Mon maquillage s'est sûrement estompé. Je sens que ma tresse s'est défaite ou du moins n'est plus solidement nouée. Mes pieds sont endoloris par la hauteur de mes escarpins. Je rentre chez moi, slalomant entre les pavés et naviguant entre ivresse et conscience.
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